L’équipe de chercheurs a demandé aux participants quels facteurs ont influencé les apprentissages qu’ils ont réalisés à l’âge adulte.
Les facilitateurs, qu’ils soient personnels ou environnementaux, représentent plus des trois quarts des variables d’influence rapportées par les répondants (n occurrences = 611). Les facteurs environnementaux (n occurrences = 442) sont plus fréquemment mentionnés que les facteurs personnels (n occurrences = 326).
Le nombre, ainsi que le type de facteurs mentionnés comme ayant influencé les projets d’apprentissage, ne varient pas en fonction du genre et de l’étiologie des participants. En ce qui concerne l’influence de l’âge, les personnes plus jeunes disent avoir rencontré moins d’obstacles environnementaux en comparaison du groupe plus âgé et du groupe d’âge intermédiaire. Il n’y a par contre pas de différence en ce qui concerne les obstacles personnels rencontrés, ni les facilitateurs qu’ils soient personnels ou environnementaux.
Les variables motivationnelles jouent un rôle de premier plan dans les apprentissages réalisés. Parmi celles-ci, le sentiment d’efficacité personnelle est mentionné par deux tiers des participants (n personnes = 40) comme un important facteur d’influence positive. Dans leurs récits, les individus concernés affirment qu’apprendre à l’âge adulte a été facilité par le retour d’informations sur leurs performances et/ou leurs compétences. Ainsi, le sentiment de « bien arriver à faire les choses », de se sentir « en progrès » ainsi que la confirmation de la capacité d’apprendre tout seul sont vus comme des facilitateurs essentiels. Le sens et la valeur positive accordée à la tâche (n occurrences = 53), de même que l’utilité de ce qui est à apprendre (n occurrences = 21) sont également des facteurs d’influence positive jugés importants. Un participant raconte :
« Écoute, j’ai appris une chose qui m’a beaucoup beaucoup impressionné, j’étais très, très, très intéressé et que j’ai envie toujours encore de faire, parce que c’est un travail que j’ai bien voulu faire et que j’avais appris à faire c’était le bûcheron. [...] C’est un travail qui est bien, parce que moi ça m’intéresse énorme, c’est assez physique, il faut savoir … avoir beaucoup d’énergie. Faut savoir [avoir] vraiment beaucoup d’énergie, beaucoup de concentration, parce que moi j’ai fait d’expériences pour ça, j’ai fait d’expériences pour ceci, pour ces problèmes-là. »
Certaines caractéristiques psychologiques
ou traits de caractères sont également des
attributs considérés par les participants
comme facilitant la réalisation des apprentissages.
Si ces participants ont été en mesure
d’apprendre à l’âge adulte, c’est notamment parce qu’ils se sont montrés courageux,
volontaires ou encore, ils l’expriment clairement
qu’ils avaient confiance en eux.
D’autres qualités comme le fait d’être bien
organisé, d’avoir une bonne mémoire ou
d’être quelqu’un de « pratique capable de
se débrouiller » sont également rapportées.
Quelques participants font aussi référence à
l’importance de bien se connaître soi-même
( = stratégies métacognitives) telles que ré-
fléchir, s’entrainer, observer, bien écouter ou
encore s’auto-encourager.
Certains participants évoquent l’influence
d’expériences passées sur les apprentissages
qu’ils ont pu réaliser à l’âge adulte.
Ainsi avoir voyagé, avoir fait des rencontres
ou encore avoir expérimenté le succès dans
certains domaines de compétences ont
joué un rôle incitatif sur l’engagement dans
d’autres apprentissages et/ou la volonté de
se perfectionner. Un participant raconte :
« Autrement, je fais donc beaucoup de sport, le plus pour moi c’est la natation (…) j’ai même gagné des médailles d’or. J’ai continué longtemps les cours. »
Le fait d’avoir eu la possibilité de prendre appui sur des connaissances antérieures a également facilité certains apprentissages. Aussi, savoir lire, écrire ou calculer ont-ils constitué, pour certains, des aides précieuses pour des apprentissages plus exigeants. Avoir appris à utiliser un ordinateur, un téléphone portable ou encore une calculatrice ont également été identifiés comme des atouts importants pour la mise en œuvre des apprentissages. Deux participants rapportent finalement les avantages liés à leur jeune âge. Un participant raconte qu’il lui a été « facile d’apprendre à l’atelier » car dit-il : « il était encore assez jeune ».
« Ah oui j’ai été faire les cours une fois j’ai fait, mais maintenant je fais plus. J’ai arrê- té parce que j’en avais un peu marre quand même, c’était pénible. »
Des ennuis de santé (n occurrences = 7) ou encore une trop grande fatigabilité (n occurrences = 6) font partie des obstacles physiques rencontrés par d’autres. Certains traits de caractère ou caractéristiques psychologiques (n occurrences = 13) ont également été mentionnés par les participants comme autant de menaces à la réalisation de certains apprentissages. Ainsi, être timide ou paresseux sont autant de barrières qu’il leur a fallu surmonter ou qui, parfois, ont eu raison de leurs projets.
D’autres obstacles sont mentionnés à des
occurrences plus faibles. Certains participants
rapportent des difficultés liées aux
habitudes ou au mode de vie, par exemple
avoir un agenda trop chargé ou encore arriver
toujours en retard. Cinq participants rapportent
des difficultés liées à l’âge.
Deux participants ont préféré arrêter de
prendre des cours « à cause de l’âge ».
Quatre participants considèrent avoir été
pénalisés dans la réalisation de leurs projets
d’apprentissage par un manque de connaissances
scolaires. Une participante raconte
qu’il a été difficile pour elle d’apprendre à
suivre son régime. Comme elle n’avait pas
appris à compter à l’école, il ne lui a pas été
possible d’apprendre à déterminer la quantité
de nourriture à laquelle elle avait droit.
Deux participants ont vécu des expériences personnelles négatives, l’un un accident de travail, l’autre une situation familiale difficile, qui les ont freinés dans la réalisation de leur apprentissage.
La plupart des participants mentionnent des facilitateurs liés au contexte social. Ces derniers se rapportent notamment au soutien de l’équipe éducative sur lequel ils ont pu compter tout au long du processus d’apprentissage (n occurrences = 115). De même, avoir pu compter sur l’aide des membres de la famille ou d’autres personnes proches constitue un avantage certain (n occurrences = 51). D’autres facteurs proposés dans l’environnement social (n occurrences = 178) sont également largement mentionnés comme ayant facilité leurs apprentissages. Ce sont par exemple, l’opportunité de faire des stages, de participer à des ateliers professionnels (blanchisserie, lingerie, cuisine, etc.) ou encore d’être informé de la possibilité de faire des cours ou des formations continues. Quelques personnes rapportent la facilitation liée à l’attitude de l’entourage. Ainsi les encouragements reçus de la part de l’entourage – professionnel ou familier -, l’ouverture d’esprit des proches, sont mentionnés comme des éléments qui facilitent la réalisation des apprentissages.
« Puis aussi le maître socio-professionnel qui dit : « c’est très bien, j’suis content de toi », ça m’aide. »
L’accès au matériel constitue le principal facilitateur mentionné dans le contexte physique ; avoir un ordinateur, recevoir des canevas facilitant l’apprentissage des tâches professionnelles ou encore posséder un dictionnaire sont autant de facilitateurs identifiés. La variable économique est mentionnée par un seul participant qui évoque des ressources financières suffisantes, sans que l’on comprenne toutefois s’il s’agit de ses propres ressources financières ou d’un financement mis à sa disposition :
« C’est on discute avec la responsable, la responsable du FCPA [Centre de formation continue pour adultes handicapés], et puis après des fois je dois donner de l’argent que j’ai payé les cours et puis voilà ce que je fais. »
Les obstacles environnementaux sont des facteurs peu mentionnés par les participants. Ces derniers rapportent néanmoins l’influence effective du contexte social, par exemple le manque d’opportunités d’apprentissage, un participant raconte :
« Ici on [n’] apprend pas. On fait toujours la même chose. On fait les K-Lumet, c’est jamais un métier qu’on fait là. C’est toujours un peu pareil quoi. »
tandis qu’un autre explique son manque de motivation par l’absence de perspectives professionnelles et salariales :
« Et c’est là que après que j’ai trouvé que, que ce travail ici moi j’ai rien contre mais c’est juste que, voilà quoi, en fait ce travail-là, on n’est pas bien payé non plus, on travaille, moi je travaille ici, ça fait déjà sept ans que je suis dans cette maison et je suis toujours payé à un franc de l’heure. »
D’autres répondants expliquent que l’interruption d’un cours ou le manque de places disponibles dans les formations offertes sont des barrières qui ont entravé, ralenti voire empêché la réalisation de leurs projets d’apprentissage. Les participants rapportent également l’existence de freins liés à l’attitude négative de l’équipe éducative ou à celle des membres de la famille, comme par exemple un désaccord au sujet de projet d’apprentissage ou un supérieur hiérarchique irrespectueux. A ce sujet, un participant raconte l’influence de l’attitude négative des éducateurs sur ses apprentissages à l’atelier :
« Mais si on fait des fautes souvent et après on sait pas ce qu’est-ce qu’on fait… après les moniteurs ils gueulent, ils disent : « Ah, mais il faut que tu fais [fasses] attention, il faut pas, il faut pas faire comme ça ou il faut faire d’une autre façon, Il faut apprendre à être plus concentré à ton travail ». Ça ils me disent toujours même tout ça .»
En ce qui concerne le contexte physique, la difficulté d’accès à un matériel adapté constitue le principal obstacle, comme l’explique ce participant :
« J’utilise beaucoup Internet, mais j’ai pas d’ordinateur à moi, et on a un Internet pour le groupe, c’est tout. »
Quatre personnes relèvent également des barrières économiques, comme par exemple le manque de moyens permettant de financer la formation ou les cours.